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Je m'appelle Vitali, je suis originaire de Smolensk. Je suis un officier de spetsnaz (groupe d'intervention spéciale). Je suis en mission de trois mois ici, ça se termine début novembre. Aujourd'hui c'est la fête de l'Intercession de la Mère de Dieu et nous sommes allés à l’église.  

Qu'est-ce que la foi représente pour vous ? Pourquoi vous êtes allés à l'église ?  

Je crois que la foi – c'est le sens de ma vie et mon seul appui. En 1994 j'étais un jeune soldat de dix-huit ans en Tchétchénie… c'était mon service militaire en troupes aéroportées. Je ne vois pas une autre voie pour moi… comment je peux expliquer ça… La foi - c 'est le sens de ma vie. Je vais à l'église tant que je peux et si j'ai une possibilité, je communie aussi.  

Et comment êtes-vous arrivés à la foi ?  

Pas tout de suite. J'ai eu peut-être cette envie après la première guerre de Tchétchénie. Mais je suis allé rarement à l'église après mon service militaire. Quand on était ici, en Tchétchénie, il nous semblait qu'en revenant à la maison, on allait devenir presque saint, tellement cette envie d'aller à l'église était forte. Mais en réalité, soyons franc, je buvais beaucoup. Ensuite il y avait une autre mission, de nouveau en Tchétchénie. Par la volonté de Dieu, je me suis encore retrouvé ici. Je croyais que j'allais jamais revenir ici. Et voilà. Et plus tard, d'une mission à l'autre je m'approchais de plus en plus vers la foi. C'est une très longue histoire, ça se dit pas en deux mots, il faut des heures pour expliquer ça. Plus je vieillis, plus je comprends que la foi c'est la seule raison de vivre. Le reste est assez important aussi mais pas autant que la foi.  

Et Grozny a-t-il beaucoup changé depuis 1994 ?  

Oui, elle a beaucoup changé. Même par rapport à 2003. Il n'y avait que des ruines. Il y avait juste les stations d'essence refaites avec du plastique. Le reste était en ruines et je crois que c'était le plus simple de construire une nouvelle ville. C'était une grande surprise, la ville a été renouvelée en six ans, c'est presque un métropole maintenant. Je voudrais pas le dire, mais ici, ça devient presque mieux qu'à Smolensk (il rit).  

Et Smolensk, elle se construit ?  

Oui, mais moins que Grozny. C'est plus lent tandis que Grozny se construit à un rythme accéléré. C'est très agréable à voir, c'est une belle ville. C'était toujours une belle ville, avant la guerre, c'était une très belle ville.  

Et vous êtes venu à Grozny avant la guerre ?  

J'ai vu des photos, des films. Mais je ne suis pas venu ici avant la guerre, en 1994 c'était la première fois.  

Et tout de suite vous vous êtes retrouvé à la guerre ?  

Oui …  

Je vais vous poser une question, vous pouvez répondre où pas, comme vous voulez. D'après vous, est-ce que l'amitié entre les russes et les tchétchènes est possible après la guerre ?  

Oui, bien sûr, c'est possible. J'ai beaucoup d'amis parmi les tchétchènes. Et la foie nous réunit même, ce sont les gars assez croyants, pas bêtes, la plupart d'entre eux ont fait leurs études à Moscou, à l'Université de droit. Je crois que l'amitié est non seulement possible mais qu'elle doit avoir lieu. Il y a deux jours nous sommes allés apporter de la provision à une vielle dame russe, elle a soixante dix ans et elle a habité à Grozny presque tout sa vie, elle n’est jamais sortie de la ville. Son fils habite à Smolensk, c’est par lui que nous avons appris sa présence en ville. Elle nous a raconté sa vie, comment c'était dur pour elle pendant les deux guerres. Je lui ai demandé : « Vous n’avez pas eu envie de partir ? » Elle a dit : « Non ». Elle a raconté que pendant la première guerre, c'est les tchétchènes qui l'ont sauvé des tortures des bandits. Une tchétchène, sa voisine l'a sauvé en risquant sa vie. Peu importe qui tu es : un tchétchène, un russe, un musulman si tu es un homme digne de ce nom, je crois qu'il n'y a pas d'obstacles pour l'amitié. Il y des bandits parmi les orthodoxes et parmi les musulmans, et c'est encore à discuter qui sont les pires.  

C'était facile où pas de survivre après la guerre ?  

Oui, après mon service militaire … j'ai commencé à travailler à la police. Et trois ans après j'ai été pris par ce stress post-traumatique. Je suis allé voir des psychologues pendant quelque mois. Ils ne faisaient que tirer de l'argent. Je commencé à faire des cauchemars, il y avait beaucoup d'effets secondaires. Et dans un livre j'ai lu une idée qu'un clou chasse l'autre et si tu as peur, il faut y aller.

J'ai décidé de revenir en Tchétchénie. Après un conseil de révision j'ai été admis à Spetsnaz. Quand je suis allé à Grozny pour la première fois après la guerre, c'était effrayant. Mais quand je suis revenu six mois après, la durée d'une mission, la peur avait disparu. Après ma deuxième mission ce syndrome post-traumatique était passé. Maintenant ça va mieux. La foie m'aide beaucoup. Notre travail est assez difficile en soi, même si tu n'es pas en mission, il y a pas mal de croyants parmi nous. Et ceux qui sont athées, à la retraite, finissent souvent à l'hôpital psychiatrique où avec une bouteille.

Voilà les trois issues : la bouteille, l'hôpital psychiatrique ou la foie. Mais souvent ils se convertissent et deviennent croyants. Et ça c'est bien.  
Je m’appelle Anna Bogatireva Saidovna.

Ma mère est Russe, mon père est Tchéchène. Je suis de sang impur et pour les gens comme moi c’est plus difficile. Le Russe est Russe et le Tchéchène est Tchéchène, et nous ne sommes de nulle part.  Ce n’était pas tellement apparent jusqu’à l’arrivée de perestroïka. Il est difficile à transmettre ce qui se passait. Le peuple s'est armé contre le peuple, je n'arrive pas à le comprendre. Je suis née en 1956. A mon âge nous travaillons, étudions, il n'y avait pas de déchaînement. Et après le déchaînements'est répandu partout dans l'URSS. Il fallait simplement prendre les enfants et partir…   Le 22 décembre 1994… Le bombardement a commencé. J'étais comme un enfant de deux ans… Nous avons perdu nos documents… Ma fille, Alinochka, a eu 6 ans le 16 décembre. On a commencé à nous grenader… Et on ne savais plus prendre l'enfant, les collants ou la pelisse. Et qu'est-ce que je fais ? Je ferme tout comme si nous sortons de la maison comme d'habitude, je prends toutes les affaires d'enfant ses tennis et ses cahiers… Il était bien qu'on avait quand même quelque chose… Qui a besoin d'un parent pauvre ? Nous sommes venus à Moscou, chez mon frère, il m'a accueilli avec bienveillance. Mais moi je suis la sienne et mes enfants sont une charge. J’ai trouvé un travail au marché, je travaillait partout où je pouvais. Je n’avais plus de mari, je suis resté seule avec mes enfants. Je suis revenue après à Tchéchénie pour faire des documents. L’employée  du bureau des passeports regarde sur le nom: “Bo-Ga-Ti-Re-Va”, et dit, que je n’ai pas besoin de Moscou et que mes parents sont sûrement riches. Si seulement  j'avais vendu mon terrain, j'avais plus de neuf cents mètres carrés Et après tout s'est dévalorisé.   Aujourd'hui je ne comprends pas comment j'ai survecu tout ça… Je n’avais pas de foi à cent pour cent pour dire exactement si je suis musulmane ou chrétienne. Mais en novembre de 1996 j’ai consciemment choisi ma foi, pas à cause de ma mère ou mon père, j’ai et du sang musulman et du sang chrétien. C’est ma subconscience qui m’a amené à la vérité.   Il me sera bien sûr difficile à persuader mon fils, lui, il est musulman. Mais quand même Dieu est unique. Et je n’ai pas le droit de dire à mon fils: “Tu dois être chrétien!” J’avais 40 ans quand j’ai choisi ma foi.   Dieu merci, nous sommes sains et vivants, mais il y a quand même une cicatrice. La parente est venue. Elle me dit : "Fais la demande d’invalidité et etc”. Et je dis: “ comment je peux le faire, j’ai peur de Dieu”. Elle dit : " Les bombardements ne t’ont pas réveillée dans la nuit ?” Je dis : " Je me réveillais toujours à cause des cauchmars en sueur et je me précipitais dans la salle de bains, retirais tout et me lavais”. Et elle me dit: “ Que penses-tu, tu n’est pas un invalide ?" Je dis : " A Dieu ne plaise ! Je ne suis pas invalide ! Dieu merci, je suis vivante et saine, je cours  et Dieu merci! ”  

Je ne travaille pas, mon fils me soutient, et ma fille me soutient, elle travaille à Moscou.  

J’ai et du sang catholique et du sang musulman, et qu’est-ce que je dois faire maintenant ? Comment puis-je prouver que je suis la fille de Dieu? Je ne veux ni de mort, ni de sang, je ne veux rien. A mes 54 je veux de la paix, vous êtes d’accord? Je n’ai pas d’ennemis, parce que j’ai une telle foi et eux-une autre, tout cela est ridicule, vous me comprenez? Aussi, je parle parfaitement les langues-leTchétchène et l’Ingouche. Chaque nation est vivante ici- les Arméniens, les Juifs… Nous avions l’institut de pétrole de valeur de l’Union. Il y avait tant d’étudiants de tous les endroits ! Nous avions des touristes même du Nord, Sernovodsk était une zone vacancière, on traitait les articulations. Ils arrivaient chaque année avec des béquilles et partaientt sans béquilles. Ils venaient leur première année puis la deuxième et troisième, ainsi on devenait des amis, écrivait des lettres.Plaise à Dieu que cela revienne. Pourqoui on nous grenadait ? C’étaient Sidorov, Ivanov, Mahmudov qui étaient coupables - punissez-les ! Mais pourquoi c’était nous qui étions grenadés? Mais c’est injuste, qui a été puni pour ça ? Personne ? Et qui a été puni pour ces russes gars qui étaient ici affamés, pouilleux, je-veux-chez-maman ? Qui a été puni pour ces petits ? Et qui a lancé nos enfants de 18 ans, les enfants russes dans l’hachoir ? Nous avons vu tout cela de nos propres yeux. C’est effrayant. Nous sommes des cadavres vivants.   Voici aujourd'hui le jour pur et sacré, que la Vièrge nous aide par ses voiles. Je n'ai d'ennemis, ni parmi les Tchétchènes, ni parmi  les Russes, peut-être, c'est la mafia, qui avait besoin de tout cela ? Que Dieu les juge. Voilà, c’est tout, bonne chance.

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La cité des Gens Ordinaires
La cité Religieuse
La cité des Hommes
La cité Pétrolière
La cité des Femmes
La cité des Etrangers
La cité qui a cessé d'exister
La cité de la Guerre
La cité des Serviteurs
GROZNY 9 CITIES

An interactive documentary by
Olga Kravets, Maria Morina and Oksana Yoshenko. 

An interactive production by
Chewbahat Storytelling Lab 

Photographs and video production
Verso Images

Picture Editor & Curator
Anna Shpakova

Powered by
Racontr

Music and Sound design by
José Bautista - Kanseisound

Narrative Structure and Design
Gerald Holubowicz

English and Russian voice over
Maria Morina
LA CITÉ DES ÉTRANGERS

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About the project

Grozny, the capital of war-torn Chechnya, is a melting pot for changing Сaucasus society that is trying to overcome a post-trauma shock of two recent wars and find its own way of life in between traditional Сhechen values, Muslim traditions, and globalization, to cope with rapidly changing role of women, increasing contrast between rich and poor and political games. 

Our project Grozny: Nine Cities is inspired by a Thornton Wilder book, Theophilus North, and centers on the idea of nine cities being hidden in one, which gives us a concept to explore specific aspects of the aftermath of two Chechen wars considering them as ”cities” hidden within Grozny.
 

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